dim. 09 juil.
|Eglise de Hesse
Le Souffle gothique
Concert précédé à 17h par une présentation de l’église par Pascale Marcel
Heure et lieu
09 juil. 2023, 17:30
Eglise de Hesse, Hesse
À propos de l'événement
- O virgo splendens (Canon) • Anon (Livre Vermeil de Montserrat)
- Prenez-y garde • Guillaume d’Amiens
- Prenez i garde – S’on me regarde • Anon, Manuscrit de Montpellier
- Quiconques veut d’amour joïr • Anon
- Alarme, Alarme • Magister Grimace
- Seigneur, Sachiez
- Ductia Benedicamus Extrait des « Enseignements moraux » (Christine de Pizan)
- PetroneExtrait du « Livre du duc des vrais amants » (Christine de Pizan)Comment la Guerre de Cent Ans survint (Jean Froissard)Lettre de Jeanne d’Arc aux AnglaisRencontre de François 1er et Henri XVIII (Jean Dubois)
- In te Domine SperaviA ses compagnons étudiants voulant danser bonne basses-danses (Antonius Arena)
- Basse danse « La Brosse » • Pierre Attaingnant imprimeur• Thibaud de Champagne
- Tempus Transit • Anon (Carmina Burana)• Anon• Anon, Codex Robertsbridge
- J’aime sans penser laidure • Guillaume de Machaut
- Abondance de Felonie • Jean de l’Escurel
- Doulce dame jolie • Guillaume de Machaut
- In pro • Anon
- Per une amante • Francesco Landini
- Una Panthera • Johannes Ciconia
- J’attendray tant qu’il vous plaira • Guillaume Dufay
- Donnez l’assault • Guillaume Dufay
- Se la face ay pale • Guillaume Dufay
- L’homme Armé • Robert Morton
- Kyrie de la Missa L’homme armé • Guillaume Faugues
- Je suis d’Allemagne • Anon & Johannes StockenFortuna Desperata • Antoine Busnois & Anon• Josquin des Prés
- Chantons, Sonnons trompettes • Clément Janequin
- Saltarello « La Comarina » • Anon
France, XIIIème siècle. Dans tout le royaume, on extrait, on taille, on transporte la pierre, on l’entasse en murailles épaisses, on la sculpte, on la polit, et l’on finit par la projeter vers le ciel, toujours plus haut, en flèches qui pointent vers le ciel... Saint-Denis, Reims, Cambrai, Amiens, Beauvais, mais aussi d’innombrables chapelles, abbayes, et prieurés qui parsèment nos campagnes qui constituent une trace palpable de l’art de nos ancêtres. Ce programme se veut la « bande son » oubliée de ceux qui ont pu construire pendant trois cents ans ces édifices lumineux aux flèches ciselées et aux nombreux vitraux.
Notre voyage commence avec les lignes hypnotiques du très ancien chant de pèlerin O virgo Splendens et du motet Prenez- y garde. Depuis Provins, Thibaud de Champagne, roi troubadour, chevalier gentilhomme, appelle dans Seigneur Sachiez à la croisade pour « délivrer sa terre et son pays ». Des moines défroqués exaltent de manière épicurienne l’amour, le printemps, et le vin dans le manuscrit des « Carmina Burana » dont Tempus Transit est issu. Construit sur des formes sophistiquées entremêlées à l’images des croisées d’ogives, Quiconque veut d’amour jouïr et Alame Alarme témoignent du goût de l’élite pour la complexité qui donnera plus tard son nom à un style musical, l’Ars Subtilior.
Qu’elle ait été militaire, ecclésiastique ou bien purement récréative, la pratique de la danse par toutes les couches de la société semble attestée depuis des temps immémoriaux et représentée dans de très nombreuses iconographies. C’est à cet art que les musicologues semblent associer les ductia et les estampies (ce dernier terme pouvant dériver de « stampen », frapper du pied). Si les lignes mélodiques simples et colorées de Ductia Benedicamus pourraient accompagner les balles du jongleur sur le parvis de l’église, l’énigmatique dialogue de Petrone et la virtuosité solistique de In Pro témoignent là encore de l’esthétique complexe et raffinée des milieux aristocratiques du Moyen-âge.
Probablement tirés des civilisations arabes aux portes de l’Occident, les trompes et les hautbois primitifs semblent à leur figuration sur de très nombreuses sources iconographiques avoir été largement utilisées dans l’Europe médiévale. Nous avons imaginé que cette formation mêlant cuivres et instruments à anches doubles ait pu interpréter d’une manière colorée - à l’image des instrumentistes traditionnels du monde Oriental actuel - des chansons françaises telles J’aime sans penser laidure, Abondance de Félonie, ou Douce Dame Jolie, à la charnière entre l’art des trouvères et de l’Ars Nova.
L’urbanisation grandissante et le besoin politique de disposer d’un moyen de représentation pour les occasions cérémonielles et festives favorisera l’essor de «bandes ménétrières» payées par les villes dont les hautbois, percussions, et trompettes à coulisse semblent avoir été les
instruments de premier choix. Dans le duché de Bourgogne, nous les avons imaginé sonner pour Charles le Téméraire quelques-unes des chansons d’un des compositeurs les plus célèbres du XVème siècle, Guillaume Dufay. A ce sujet, selon certains chercheurs le mot « blason » viendrait du verbe allemand « blasen » signifiant souffler, comme pour renforcer le lien entre instruments à vents au service du pouvoir et représentation symbolique d’un ordre, d’une cité, ou d’unseigneur. Il est ici exprimé de manière littérale par Una Panthera, une pièce dont les paroles dépeignent les emblèmes héraldiques de la cité de Lucques avec une virtuosité flamboyante de poésie.
Il est également frappant de constater la popularité de thèmes musicaux qui circulent dans toute l’Europe et servent de matériaux de base pour l’écriture musicale. Ainsi l’énigmatique teneur de l’Homme Armé sera utilisé comme cantus firmus pour une vingtaine de messes par la fine fleur des compositeurs du XVème siècle, sans doute profondément marqués par la guerre de Cent ans et la chute de Constantinople. Les accents guerriers du rondeau de Robert Morton seront mis en regard avec une chanson anonyme, Je suis d’Allemagne, dans laquelle l’auteur déplore la perte (sur le champ de bataille ?) de « [son] père, [sa] mère, [sa] femme, et tout [ses] enfants », par la suite harmonisée en un contrepoint aussi savant qu’élégant par le franco-flammand Johannes Stocken. Se succéderont enfin deux versions d’un autre thème excessivement populaire, Fortuna Desperata, dont la dernière d’entre elle illustre parfaitement l’incroyable créativité rythmique de la fin du XVème siècle.
Nous voilà à l’aube de la Renaissance... Au contrepoint imitatif de conception « horizontale », succède peu à peu une écriture élaborée de manière plus verticale, en suivant les accords simultanés produits sur les syllabes du texte : le motet In te domine speravi de Josquin des Prez – premier grand maître dans le domaine de la polyphonie vocale des débuts de la Renaissance – parle déjà de manière plus évidente à nos oreilles modernes. Son élève Clément Janequin, compositeur prolixe de fresques musicales épiques, écrira quant à lui Chantons Sonnons trompettes à l’occasion de la visite à Bordeaux de François 1er venu accueillir en 1530 ses deux fils libérés de leur captivité espagnole...
Nous achèverons notre voyage sur un couple de danses très populaires au début du XVIème siècle : la noble bassedanse, habituellement suivie par son tourdion. Passion typiquement française, elle est l’occupation favorite de la cour; la magnificence des costumes, des décors et des chorégraphies composées par nos maîtres à danser rayonneront bientôt sur l’Europe entière, et la conjonction de ces arts deviendra désormais un moyen de premier choix pour conforter l’absolutisme du nouveau pouvoir central.
Anabelle Guibeaud – chalemie & flûtes à bec • Rémi Lécorché – busine, trompette à coulisse, saqueboute, flûtes à bec • Marion le Moal – bombarde & flûtes à bec • Adrien Reboisson – chalemie, bombarde, flûtes à bec • Laurent Sauron - Percussions